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- Sonnez, sonnez toujours, clairons de la pensée.
- Quand Josué rêveur, la tête aux cieux dressée,
- Suivi des siens, marchait, et, prophète irrité,
- Sonnait de la trompette autour de la cité,
- Au premier tour qu’il fit, le roi se mit à rire ;
- Au second tour, riant toujours, il lui fit dire :
- " Crois-tu donc renverser ma ville avec du vent ? "
- À la troisième fois l’arche allait en avant,
- Puis les trompettes, puis toute l’armée en marche,
- Et les petits enfants venaient cracher sur l’arche,
- Et, soufflant dans leur trompe, imitaient le clairon ;
- Au quatrième tour, bravant les fils d’Aaron,
- Entre les vieux créneaux tout brunis par la rouille,
- Les femmes s’asseyaient en filant leur quenouille,
- Et se moquaient, jetant des pierres aux Hébreux ;
- À la cinquième fois, sur ces murs ténébreux,
- Aveugles et boiteux vinrent, et leurs huées
- Raillaient le noir clairon sonnant sous les nuées ;
- À la sixième fois, sur sa tour de granit
- Si haute qu’au sommet l’aigle faisait son nid,
- Si dure que l’éclair l’eût en vain foudroyée,
- Le roi revint, riant à gorge déployée,
- Et cria : " Ces Hébreux sont bons musiciens ! "
- Autour du roi Joyeux riaient tous les anciens
- Qui le soir sont assis au temple, et délibèrent.
- À la septième fois, les murailles tombèrent.
VICTOR HUGO (1802-1885)