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Les Oiseaux

mardi 29 juillet 2014, par Silvestre Baudrillart

  • Je rêvais dans un grand cimetière désert ;
  • De mon âme et des morts j’écoutais le concert,
  • Parmi les fleurs de l’herbe et les croix de la tombe.
  • Dieu veut que ce qui naît sorte de ce qui tombe.
  • Et l’ombre m’emplissait. - Autour de moi, nombreux,
  • Gais, sans avoir souci de mon front ténébreux,
  • Dans ce champ, lit fatal de la sieste dernière,
  • Des moineaux francs faisaient l’école buissonnière.
  • C’était l’éternité que taquine l’instant.
  • Ils allaient et venaient, chantant, volant, sautant,
  • Égratignant la mort de leurs griffes pointues,
  • Lissant leur bec au nez lugubre des statues,
  • Becquetant les tombeaux, ces grains mystérieux.
  • Je pris ces tapageurs ailés au sérieux ;
  • Je criai : — Paix aux morts ! vous êtes des harpies.
  • — Nous sommes des moineaux, me dirent ces impies.
  • — Silence ! allez-vous en ! repris-je, peu clément.
  • Ils s’enfuirent ; j’étais le plus fort. Seulement,
  • Un d’eux resta derrière, et, pour toute musique,
  • Dressa la queue, et dit : — Quel est ce vieux classique ?

Victor HUGO (1802-1885) Les Contemplations