- Ils se battent — combat terrible ! — corps à corps.
- Voilà déjà longtemps que leurs chevaux sont morts ;
- Ils sont là seuls tous deux dans une île du Rhône.
- Le fleuve à grand bruit roule un flot rapide et jaune (…).
- Quatre jours sont passés, et l’île et le rivage
- Tremblent sous ce fracas monstrueux et sauvage. (…)
- O chocs affreux ! terreur ! tumulte étincelant !
- Mais enfin Olivier saisit au corps Roland,
- Qui de son propre sang en combattant s’abreuve,
- Et jette d’un revers Durandal dans le fleuve. (…)
- Ils luttent maintenant, sourds, effarés, béants,
- A grands coups de troncs d’arbre, ainsi que des géants.
- Pour la cinquième fois, voici que la nuit tombe.
- Tout à coup Olivier, aigle aux yeux de colombe,
- S’arrête et dit : « Roland, nous n’en finirons point.
- Tant qu’il nous restera quelque tronçon au poing,
- Nous lutterons ainsi que lions et panthères.
- Ne vaudrait-il pas mieux que nous devinssions frères ?
- Ecoute, j’ai ma soeur, la belle Aude au bras blanc,
- Epouse-la.— Pardieu ! je veux bien, dit Roland.
- Et maintenant buvons, car l’affaire était chaude. »
- C’est ainsi que Roland épousa la belle Aude.
Victor HUGO (1802-1885)
La légende des siècles