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Le Singe et le Chat

vendredi 23 décembre 2011, par Silvestre Baudrillart

  • Bertrand avec Raton, l’un Singe et l’autre Chat,
  • Commensaux d’un logis, avaient un commun Maître.
  • D’animaux malfaisants c’était un très bon plat ;
  • Ils n’y craignaient tous deux aucun, quel qu’il pût être.
  • Trouvait-on quelque chose au logis de gâté,
  • L’on ne s’en prenait point aux gens du voisinage.
  • Bertrand dérobait tout ; Raton de son côté
  • Etait moins attentif aux souris qu’au fromage.
  • Un jour au coin du feu nos deux maîtres fripons
  • Regardaient rôtir des marrons.
  • Les escroquer était une très bonne affaire :
  • Nos galands y voyaient double profit à faire,
  • Leur bien premièrement, et puis le mal d’autrui.
  • Bertrand dit à Raton : Frère, il faut aujourd’hui
  • Que tu fasses un coup de maître.
  • Tire-moi ces marrons. Si Dieu m’avait fait naître
  • Propre à tirer marrons du feu,
  • Certes marrons verraient beau jeu.
  • Aussitôt fait que dit : Raton avec sa patte,
  • D’une manière délicate,
  • Ecarte un peu la cendre, et retire les doigts,
  • Puis les reporte à plusieurs fois ;
  • Tire un marron, puis deux, et puis trois en escroque.
  • Et cependant Bertrand les croque.
  • Une servante vient : adieu mes gens. Raton
  • N’était pas content, ce dit-on.
  • Aussi ne le sont pas la plupart de ces Princes
  • Qui, flattés d’un pareil emploi,
  • Vont s’échauder en des Provinces
  • Pour le profit de quelque Roi.
  • Jean de La FONTAINE (1621-1695)
  • Fables, IX, 6

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