Accueil > Littérature > Anthologie > L > LA FONTAINE Jean de (1621-1695) > Les Membres et l’Estomac
- De travailler pour lui les membres se lassant,
- Chacun d’eux résolut de vivre en Gentilhomme,
- Sans rien faire, alléguant l’exemple de Gaster.
- Il faudrait, disaient-ils, sans nous qu’il vécût d’air.
- Nous suons, nous peinons, comme bêtes de somme.
- Et pour qui ? Pour lui seul ; nous n’en profitons pas :
- Notre soin n’aboutit qu’à fournir ses repas.
- Chômons, c’est un métier qu’il veut nous faire apprendre.
- Ainsi dit, ainsi fait. Les mains cessent de prendre,
- Les bras d’agir, les jambes de marcher.
- Tous dirent à Gaster qu’il en allât chercher.
- Ce leur fut une erreur dont ils se repentirent.
- Bientôt les pauvres gens tombèrent en langueur ;
- Il ne se forma plus de nouveau sang au cœur :
- Chaque membre en souffrit, les forces se perdirent.
- Par ce moyen, les mutins virent
- Que celui qu’ils croyaient oisif et paresseux,
- A l’intérêt commun contribuait plus qu’eux.