Accueil > Littérature > Anthologie > L > LA FONTAINE Jean de (1621-1695) > Le Coq et le Renard
- Sur la branche d’un arbre était en sentinelle
- Un vieux Coq adroit et matois.
- "Frère, dit un Renard, adoucissant sa voix,
- Nous ne sommes plus en querelle :
- Paix générale cette fois.
- Je viens te l’annoncer ; descends, que je t’embrasse.
- Ne me retarde point, de grâce ;
- Je dois faire aujourd’hui vingt postes sans manquer.
- Les tiens et toi pouvez vaquer
- Sans nulle crainte à vos affaires ;
- Nous vous y servirons en frères.
- Faites-en les feux dès ce soir.
- Et cependant viens recevoir
- Le baiser d’amour fraternelle.
- - Ami, reprit le coq, je ne pouvais jamais
- Apprendre une plus douce et meilleur nouvelle
- Que celle
- De cette paix ;
- Et ce m’est une double joie
- De la tenir de toi. Je vois deux Lévriers,
- Qui, je m’assure, sont courriers
- Que pour ce sujet on envoie.
- Ils vont vite, et seront dans un moment à nous.
- Je descends ; nous pourrons nous entre-baiser tous.
- -Adieu, dit le Renard, ma traite est longue à faire :
- Nous nous réjouirons du succès de l’affaire
- Une autre fois. Le galand aussitôt
- Tire ses grègues, gagne au haut,
- mal content de son stratagème ;
- Et notre vieux Coq en soi-même
- Se mit à rire de sa peur ;
- Car c’est double plaisir de tromper le trompeur.
- Jean de La FONTAINE (1621-1695)
- Fables, II, 15