Accueil > Littérature > Anthologie > L > LA FONTAINE Jean de (1621-1695) > Le Coche et la Mouche
- Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé,
- Et de tous les côtés au Soleil exposé,
- Six forts chevaux tiraient un Coche.
- Femmes, Moine, vieillards, tout était descendu.
- L’attelage suait, soufflait, était rendu.
- Une Mouche survient, et des chevaux s’approche ;
- Prétend les animer par son bourdonnement ;
- Pique l’un, pique l’autre, et pense à tout moment
- Qu’elle fait aller la machine,
- S’assied sur le timon, sur le nez du Cocher ;
- Aussitôt que le char chemine,
- Et qu’elle voit les gens marcher,
- Elle s’en attribue uniquement la gloire ;
- Va, vient, fait l’empressée ; il semble que ce soit
- Un Sergent de bataille allant en chaque endroit
- Faire avancer ses gens, et hâter la victoire.
- La Mouche en ce commun besoin
- Se plaint qu’elle agit seule, et qu’elle a tout le soin ;
- Qu’aucun n’aide aux chevaux à se tirer d’affaire.
- Le Moine disait son Bréviaire ;
- Il prenait bien son temps ! une femme chantait ;
- C’était bien de chansons qu’alors il s’agissait !
- Dame Mouche s’en va chanter à leurs oreilles,
- Et fait cent sottises pareilles.
- Après bien du travail le Coche arrive au haut.
- Respirons maintenant, dit la Mouche aussitôt :
- J’ai tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine.
- Ca, Messieurs les Chevaux, payez-moi de ma peine.
- Ainsi certaines gens, faisant les empressés,
- S’introduisent dans les affaires :
- Ils font partout les nécessaires,
- Et, partout importuns, devraient être chassés.
- Jean de La FONTAINE (1621-1695)
- Fables, VII, 9