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dimanche 26 mars 2017, par
Mon père s’était réservé la surveillance de l’orthographe et m’administrait, chaque matin, avant mon café au lait, une dictée de six lignes, dont chaque phrase était minée comme une plage de débarquement.
« La soirée que vous avez passée avec nous. - Nous avons passé une bonne soirée. - Les gendarmes que nous avons vus, et les soldats que nous avons vus passer... »
Je travaillais avec courage, mais bien souvent ces gendarmes et ces soldats passaient en vain, car j’entendais grésiller des cigales, et au lieu des rameaux dépouillés des platanes de la cour, je voyais un coucher de soleil sanglant sur Tête-Rouge : mon cher Lili descendait le raidillon de La Badauque en sifflant, les mains dans les poches, avec un collier d’ortolans et une ceinture de grives...
Marcel PAGNOL, Le Château de ma mère
Je triomphai de la règle de trois, j’appris - avec une joie inépuisable - l’existence du lac Titicaca, puis Louis X le Hutin, hibouchougenou et ces règles désolantes qui gouvernent les participes passés. Mon frère Paul, de son côté, avait jeté son abécédaire, et il abordait le soir dans son lit, la philosophie des Pieds Nickelés.
Une petite sœur était née, et tout justement pendant que nous étions tous les deux chez ma tante Rose, qui nous avait gardés deux jours, pour faire sauter les crêpes de la Chandeleur.
Cette invitation malencontreuse m’empêcha de vérifier pleinement l’hypothèse audacieuse de Mangiapan, qui était mon voisin en classe, et qui prétendait que les enfants sortaient du nombril de leur mère.
Cette idée m’avait d’abord paru absurde : mais un soir, après un assez long examen de mon nombril, je constatai qu’il avait vraiment l’air d’une boutonnière, avec, au centre, une sorte de petit bouton : j’en conclus qu’un déboutonnage était possible, et que Mangiapan avait dit vrai.
Marcel PAGNOL, La Gloire de mon père