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dimanche 29 juin 2014, par
Voici les observations que nous avons glanées au cours des années et qui permettent de « croquer » le dyslexique en dehors du tableau clinique :
— Il met deux heures à s’habiller le matin et n’arrive pas à lacer ses chaussures — quand il réussit à les mettre à l’endroit.
— Lorsqu’on lui donne rendez-vous à un coin de rue, il arrive qu’on le retrouve trois heures plus tard au croisement opposé, confondant les notions d’espace réel avec celles qui s’inscrivent dans ses jeux vidéo.
— Il ne comprend pas toujours les consignes, soit parce qu’il n’écoute pas, soit parce qu’il les interprète à sa façon ; il lui arrive de ne pas les appliquer, même s’il les comprend.
— Il adhère le plus souvent à la consigne, la généralisant aux exercices qui suivent, soit dans l’instant, soit dans un temps différé.
— Il a une écoute multidirectionnelle ne lui permettant pas de synthétiser une tâche concrète et isolée ; ceci donne une impression souvent justifiée de dispersion et génère une certaine tension, une grande fatigue, à l’école notamment.
— Il n’éprouve pas de difficulté à faire plusieurs choses à la fois, mais a du mal à s’adonner à une seule.
— Il n’écoute pas toujours lorsqu’on s’adresse à lui et se montre soit perturbé, agité et insolent, soit complètement déconnecté du monde qui l’entoure, apparemment toutefois, car il est attentif à des choses particulières : les bruits extérieurs, l’apparence physique, les vêtements, les expressions, la mélodie de la parole, qu’il transforme en ballet de couleurs, de formes, d’images infiniment variées.
— Il manque de distance et ignore l’abstraction face au langage : il ne rit pas de jeux de mots désopilants mais peut s’esclaffer à propos d’un je-ne-sais-quoi d’intraduisible, échappant à notre sens de l’humour habituel.
— Il a du mal à intégrer les structures rythmiques, principalement la notion de durée et de tempo.
— Il a un sens de l’observation visuelle déroutant alors qu’il ne peut se repérer en fonction d’informations écrites, comme les plans, les panneaux indicateurs de rues et de directions. Il fait preuve d’une mémoire extraordinaire pour retrouver un circuit déjà emprunté grâce à des détails visuels (une fleur sur un balcon, lui-même caché par une grue jaune et bleu), auditifs (le métro qui passe, le bruit d’une école), olfactifs (l’odeur d’une boulangerie), gustatifs (le bonbon qu’il avait dans la bouche à ce moment-là), émotionnels (le sentiment qu’il a éprouvé lors de son dernier passage), détails mis en scène dans de véritables histoires agrémentant ses déplacements.
Un enfant applique la règle du participe passé apprise de façon isolée à partir d’une phrase inventée : « Les pommes ont été volées par un garnement en culotte courte. » Il explique qu’il a pu accorder le participe passé car la dernière fois qu’il a volé des pommes, c’était parce que sa grand-mère avait perdu ses lentilles sur le sol. Il était allé lui chercher ses lunettes restées dans le garage de son voisin et en avait profité pour dérober quelques pommes, avait même croisé le chat qui s’était frotté contre lui en ronronnant...
— Il a une intuition remarquable et un charme filou : « Attention, le jour où vous me verrez comme je suis, vous aurez des surprises, de bonnes surprises, vous ne savez pas à qui vous avez affaire », alors qu’il ne le sait pas encore lui-même, même s’il en a l’intuition.
— Il bricole et démonte télévision, radio, moteurs de toute sorte, tout ce qu’il peut trouver dans la maison. Il adore les plans et les schémas, a tendance à vouloir décoder tout ce qu’il n’a pas appris.
— Il éprouve le besoin de s’exprimer par des biais différents de la parole et du langage, au début du moins mais, plus tard, développe une agilité linguistique à l’oral surprenante.
— Il a du mal à être attentif mais est capable d’une concentration incroyable devant un jeu, un travail artistique ou manuel.
— Il se débrouille très bien sur un ordinateur, car la multiplicité des données, des informations visuelles, des codes, des signes et des sigles, des dessins et des sons lui permet de se frayer un chemin à travers le dédale des informations fournies : il apprend comme les autres, sans difficulté particulière, les parents le savent bien et ils en sont souvent étonnés. De plus, sa vision des formes et des objets en trois dimensions l’aide à développer, à partir de certains programmes informatiques, un véritable plaisir dans l’élaboration de figures abstraites et de jeux divers.
L’apprentissage de l’alphabet à partir d’une représentation corporelle des lettres, sans modèle immédiat, permet au dyslexique de développer son talent créatif, d’explorer son asymétrie, ses confusions, de faire le tour de ses erreurs, et d’intégrer sans contrainte les formes classiques et arbitraires à la fois de notre code écrit.
• En ce qui concerne les devoirs, voici quelques suggestions :
Tout d’abord, laisser l’enfant au milieu de son capharnaüm : télévision, radio, bruits ambiants, si possible dans des pièces de vie, salon, cuisine, salle à manger. Il faut éviter de le laisser dans sa chambre, au calme, assis à son bureau. Un dyslexique a besoin, pour se concentrer et apprendre ses leçons de façon autonome et efficace, d’avoir du monde et du bruit autour de lui.
Cela ne sert à rien vous vous asseyiez à ses côtés des heures durant, à lui tenir le livre, à anticiper les réponses qu’il devrait vous faire, de toute façon, il en trouvera d’autres.
L’autonomie de l’enfant face aux devoirs est indispensable : il a besoin d’apprendre à s’organiser à sa façon, avec ses propres règles. Vous pouvez l’aider à corriger ses devoirs ou lui faire réciter ses leçons, mais évitez de lui expliquer comment se servir des règles, vous allez perdre patience, vous épuiser, l’épuiser, le décourager, en vain.
Le dyslexique doit gesticuler à sa guise et selon ses besoins lorsqu’il fait ses devoirs, s’accorder des pauses, varier en permanence son rythme de travail et ses tâches habituelles : un peu d’histoire et hop ! un problème de maths, trois phrases d’anglais, la suite de l’histoire...
Plus il se sert de la mélodie, des gestes et du rythme, plus il apprend avec plaisir et efficacité. L’enveloppe mélodique et rythmique des sons s’analyse dans le cerveau à divers endroits, plus ou moins spécialisés. Si nous appréhendions la langue parlée et même écrite uniquement du point de vue phonologique, sémantique et autres fonctions linguistiques du langage, nous n’arriverions pas à déchiffrer et à comprendre les mots et les phrases qui les constituent. Il a souvent besoin de sonoriser, de grommeler durant son travail ; il émet des sons le plus souvent sans signification au bien parle à voix haute pour donner du relief aux mots qu’il déchiffre et comprend souvent plus facilement grâce à ce retour (feed-back) auditif.
Il est bon d’établir une notation personnalisée dite « spécial parents », afin de lui montrer que vous appréciez ses devoirs et ses réussites à leur juste valeur : une dictée avec dix-huit fautes ne peut être jugée comme une dictée avec quarante-huit fautes, pourtant ces deux exercices conduisent à la même note zéro.
Pour qu’il apprenne des mots, n’hésitez pas à les épeler vous-même au début pour l’aider à les retenir plus facilement que s’il les épelle ou les écrit lui-même. Le nec plus ultra pour un dyslexique consiste à lui épeler les mots qu’il doit retenir en lui racontant une histoire qu’il écoutera les yeux ouverts ou fermés, selon sa préférence, allongé confortablement sur le dos.
« Vive la Dyslexie ! » par Béatrice Sauvageot et J. Métellus, 2002
Association « Puissance DYS »,
5 rue Pierre Chausson 75010 Paris – 01 40 40 90 37