- Les sapins en bonnets pointus
- De longues robes revêtus
- Comme des astrologues
- Saluent leurs frères abattus
- Les bateaux qui sur le Rhin voguent
- Dans les sept arts endoctrinés
- Par les vieux sapins leurs aînés
- Qui sont de grands poètes
- Ils se savent prédestinés
- À briller plus que des planètes
- À briller doucement changés
- En étoiles et enneigés
- Aux Noëls bienheureuses
- Fêtes des sapins ensongés
- Aux longues branches langoureuses
- Les sapins beaux musiciens
- Chantent des noëls anciens
- Au vent des soirs d’automne
- Ou bien graves magiciens
- Incantent le ciel quand il tonne
- Des rangées de blancs chérubins
- Remplacent l’hiver les sapins
- Et balancent leurs ailes
- L’été ce sont de grands rabbins
- Ou bien de vieilles demoiselles
- Sapins médecins divaguants
- Ils vont offrant leurs bons onguents
- Quand la montagne accouche
- De temps en temps sous l’ouragan
- Un vieux sapin geint et se couche
Guillaume Apollinaire (1880-1918)