Accueil > Enseignement > Le métier d’enseignant > Le professeur stratège, par Alain Guillotte
mardi 25 octobre 2011, par
(1990, Éditions d’Organisation)
Alain GUILLOTTE est Docteur en Sciences de l’Éducation. Il dirige le « Cabinet 3C », Conseil en Communication et en Développement des Personnes et des Organisations. Dans cet ouvrage, un jeune professeur suit, à l’occasion de ses rencontres avec de futurs collègues, une sorte de parcours initiatique qui l’amènera à devenir lui-même professeur stratège, habile à comprendre ce qui se passe dans sa classe, à imaginer des réponses variées, en « connaissances de conséquences », et à les mettre en œuvre avec le souci de leur validité, autrement dit du succès scolaire des élèves.
Le jeune professeur commence par une typologie des enseignants. Il oppose trois groupes : les enseignants compétents, mais aussi très exigeants ; les enseignants trop humains, qui visent l’épanouissement personnel et finissent par perdre de vue la réussite scolaire des élèves ; et les enseignants déçus, qui ont abandonné tout espoir. Son idéal, c’est de promouvoir la réussite scolaire de tous. Un certain établissement, qui développe l’« enseignement stratégique », y réussit tout particulièrement.
Le nom de « professeurs stratèges » vient du fait que le but de leur enseignement est pragmatique : atteindre leurs objectifs. Dans une relation entre personnes, il y a toujours de l’influence ; la responsabilité du professeur est d’être le meilleur « manipulateur » possible : opérer pour transformer ce qui existe.
Le but de l’enseignement, c’est de permettre aux élèves d’atteindre l’autonomie ; être compétent, c’est savoir faire seul. La prise en charge des élèves par le professeur ne doit jamais perdre de vue cet objectif ; s’occuper trop d’eux, c’est cultiver leur incompétence. Le paradoxe, c’est que cette incompétence prolonge l’utilité du professeur.
Dans l’enseignement stratégique, le professeur n’a pas besoin d’exercer une pression constante sur sa classe pour qu’elle travaille : les élèves travaillent, parce que le professeur les laisse tranquille, et celui-ci peut ainsi travailler de son côté. Comment mieux savoir la fonction du professeur, qu’en interrogeant ses partenaires, les élèves ? Le professeur a deux casquettes : sélectionneur, il se porte garant du niveau atteint par l’élève ; entraîneur, il oriente le travail d’apprentissage des élèves. Il n’essaie pas de leur inculquer un savoir, mais de leur donner une structure qui leur permette d’apprendre. On apprend à travers ses erreurs, qui ne sont pas des fautes, car elles sont utiles. « Conduire et surprendre », telle est la devise des profs stratèges.
Quand un professeur n’arrive pas à se faire comprendre, ce ne sont pas les élèves qui doivent changer, c’est lui qui doit adapter sa manière d’expliquer. D’autant plus que l’attitude purement répressive ne sert qu’à renforcer la réaction inverse. La méthode laxiste comme la méthode dure ne sont que les deux facettes d’une même erreur : on centre la relation sur les oppositions de personne, alors qu’il s’agit de collaborer ensemble à un même objectif, le savoir. Les deux relations, d’objet et de personne, doivent être soigneusement séparées.
Le but du professeur, c’est de faire passer l’élève d’un stade de développement cognitif à un autre, en l’aidant à mettre en place les structures mentales nécessaires à cette évolution. Ce qu’il lui fait faire a pour but de l’aider à penser différemment. Mais il faut que, de son côté, l’élève ait envie d’évoluer.
Face aux élèves, « machines à apprendre humaines », le professeur doit se comporter comme un technicien de maintenance. Il a trois activités :
— la régulation : fixer des objectifs, en accord avec les élèves ;
— le repérage : laisser l’élève travailler seul et observer sa façon de procéder (surveillance active des comportements d’apprentissage) ;
— la reconnaissance : sanction positive du bon comportement.
En cours d’apprentissage, ne pas marquer de déception en ce qui concerne les difficultés intellectuelles ; s’il s’agit de mauvais esprit, il est normal de marquer sa désapprobation.
Le cours lui-même fait partie de la régulation : il donne un modèle de traitement des informations.
Le professeur–formateur a trois objectifs : transmettre la connaissance, faire acquérir une méthode, et former des attitudes : apprendre à gérer le stress, les relations affectives.
Le repérage comprend :
1) la correction : donner des instructions précises à l’élève pour qu’il apprennne à mieux faire ;
2) la prévention-précaution : se rendre compte que la machine-élève est fatigable, et savoir alterner les activités intenses et les repos ; motiver les élèves, en mettant la barre où il convient ; et maintenir leur confiance en eux-mêmes ;
3) la prévention-prédiction : percevoir des comportements qui ont valeur de signal : ainsi, la déconcentration des élèves manifeste leur fatigue. Là, il faut agir en conséquence, mais sans rien manifester. Surtout, ne pas « prédestiner » un élève, en lui disant, par exemple, qu’il n’est pas doué.
Quatre qualités sont indispensables aux élèves : savoir se documenter, savoir créer, savoir juger et savoir concrétiser (exécuter ses décisions).
L’évaluation est un contrôle de la qualité. Une note est, au fond, un pourcentage du niveau atteint par rapport au niveau prévu. Les « encouragements », les « félicitations », et le compte-rendu des qualités de chacun devant toute la classe, contribuent à la bonne socialisation des résultats.
Pour chaque élève, le professeur doit : identifier le domaine à améliorer, démontrer à l’élève ce qu’il souhaite de lui, solliciter l’engagement de l’élève (qu’il trouve lui-même sa solution), puis observer l’élève qui expérimente sa solution.
Le livre se termine par une réflexion sur le rôle du directeur : donner l’impulsion à l’équipe éducative en faisant circuler l’information.
Silvestre Baudrillart