- Pleurez, doux alcyons ! ô vous, oiseaux sacrés,
- Oiseaux chers à Thétis, doux alcyons, pleurez !
- Elle a vécu, Myrto, la jeune Tarentine !
- Un vaisseau la portait aux bords de Camarine :
- Là, l’hymen, les chansons, les flûtes, lentement,
- Devaient la reconduire au seuil de son amant.
- Une clef vigilante a, pour cette journée,
- Sous le cèdre enfermé sa robe d’hyménée
- Et l’or dont au festin ses bras seront parés
- Et pour ses blonds cheveux les parfums préparés.
- Mais, seule sur la proue, invoquant les étoiles,
- Le vent impétueux qui soufflait dans les voiles
- L’enveloppe : étonnée, et loin des matelots,
- Elle crie, elle tombe, elle est au sein des flots.
- Elle est au sein des flots, la jeune Tarentine !
- Son beau corps a roulé sous la vague marine.
- Thétis, les yeux en pleurs, dans le creux d’un rocher
- Aux monstres dévorants eut soin de le cacher.
- Par ses ordres bientôt les belles Néréides
- S’élèvent au-dessus des demeures humides,
- Le poussent au rivage, et dans ce monument
- L’ont, au cap du Zéphyr, déposé mollement ;
- Et de loin, à grands cris appelant leurs compagnes,
- Et les Nymphes des bois, des sources, des montagnes,
- Toutes, frappant leur sein et traînant un long deuil,
- Répétèrent, hélas ! autour de son cercueil :
- " Hélas ! chez ton amant tu n’es point ramenée,
- Tu n’as point revêtu ta robe d’hyménée,
- L’or autour de tes bras n’a point serré de noeuds,
- Et le bandeau d’hymen n’orna point tes cheveux. "
CHÉNIER André (1762-1794)