Accueil > Littérature > Anthologie > V > VIGNY Alfred de (1797-1863) > La Frégate La Sérieuse
- Qu’elle était belle, ma Frégate,
- Lorsqu’elle voguait dans le vent !
- Elle avait, au soleil levant,
- Toutes les couleurs de l’agate ;
- Ses voiles luisaient le matin
- Comme des ballons de satin ;
- Sa quille mince, longue et plate,
- Portait deux bandes d’écarlate
- Sur vingt-quatre canons cachés ;
- Ses mâts, en arrière penchés,
- Paraissaient à demi couchés.
- Dix fois plus vive qu’un pirate,
- En cent jours du Havre à Surate
- Elle nous emporta souvent.
- — Qu’elle était belle, ma Frégate,
- Lorsqu’elle voguait dans le vent !
- Moi, de sa poupe hautaine
- Je ne m’absentais jamais,
- Car, étant son capitaine,
- Comme un enfant je l’aimais ;
- J’aurais moins aimé peut-être
- L’enfant que j’aurais vu naître.
- De son cœur on n’est pas maître.
- Moi, je suis un vrai marin ;
- Ma naissance est un mystère ;
- Sans famille, et solitaire,
- Je ne connais pas la terre,
- Et la vois avec chagrin.
- Alfred de VIGNY (1797-1863)
- Poèmes antiques et modernes