- Il était de passage, il le savait déjà,
- Dans le temps qui passait pour tenir ce qui passe,
- Mais qu’a-t-on jamais pu saisir qui ne passât ?
- Tout ce qu’il contemplait n’était pas à l’espace,
- Et pourtant devant lui, tout l’espace était là.
- Le lit de l’Éternel remplissait l’éphémère,
- Sans cesse y demeurant sans jamais s’arrêter,
- Il l’atteignait enfin, et voyait, projeté
- De ce contre-courant fatal de la lumière,
- Le jour du Sanctuaire où le Saint habitait.
- Tant qu’il ne serait pas chargé d’intolérable,
- Ni réduit au balbutiement de la douleur,
- Pourrait-il sur le bord du cours inépuisable
- Bâtir l’auberge qu’il rêvait, offrir sa table
- Aux voyageurs perdus dans le vague et la peur ?
- Tenir toute raison de ce jour de la grâce
- Pour fonder sa maison sur des sables tremblants,
- Mais affermis, scellés par l’Éternel qui passe ;
- Et puis quand ce sera son heure, doucement
- S’abîmer dans le même Éternel, sans angoisse…
Patrice de La Tour du Pin (1911-1975)