Accueil > Enseignement > Le métier d’enseignant > Déclaration d’amour d’une enseignante optimiste à ses élèves
dimanche 14 avril 2019
Lorsque j’allume la télé, lorsque j’entends les gens parler du métier de prof, je n’entends que du mépris et de l’incompréhension. J’entends des interviews de profs qui se plaignent de leurs conditions de travail, des mauvaises réformes, des élèves qui sont moins bien qu’avant. J’entends des gens jaloux de nos vacances et de notre statut de fonctionnaires qui se plaignent parce qu’on n’est jamais contents...
A chaque fois que l’on entend parler des profs ou des syndicats à la télé c’est pour les entendre se plaindre. Mais on ne les entend jamais dire à quel point ce métier est génial, enrichissant, épanouissant.
On n’entend que parler des élèves à problèmes, des parents pénibles, des élèves qui rendent le métier difficile. Mais qui parle des bons moments passés avec les élèves et de ce qu’ils nous apportent humainement au quotidien ?
Le but de mon article n’est pas de dire que tout est parfait dans le meilleur des mondes. Non tous les élèves ne sont pas parfaits, non je ne suis pas complètement satisfaite des réformes, des inspecteurs, du regard porté sur le travail que nous fournissons,nous,les profs. C’est vrai, j’avoue, je ne vis pas dans un monde de bisounours.
Seulement, moi, dans la vie, j’ai envie de voir le bon côté des choses. J’ai choisi d’être une optimiste.
Et aujourd’hui, j’ai envie de vous dire à quel point je suis heureuse d’être professeur de français en collège !
Il y a certains matins où je me lève fatiguée, épuisée avant d’avoir fait quoi que ce soit. Je me traîne un peu et mon mari me jette alors ce regard plein de confiance qui dit « Tu verras quand tu seras au collège ça ira mieux ! ». Et c’est vrai que ça va mieux ! Quand j’arrive au collège je retrouve mes collègues, ma salle décorée avec des travaux d’élèves, mon univers familier qui me rassure. Les élèves arrivent, me disent bonjour, me sourient et c’est parti ! Tout s’enchaîne et il ne se passe pas une journée sans que j’entende au moins une fois « ah déjà ! » lorsque la sonnerie retentit. C’est vrai que le temps passe vite quand tout va bien !
« Tout va bien » est un état d’esprit que m’a enseigné ma tutrice la première année. Apprendre à surmonter les petites difficultés, prendre tout avec le sourire, essayer de se mettre à la place des élèves, se remettre en question. « Après tout, me disait-elle souvent, on travaille avec de l’humain, on ne peut pas tout contrôler ».
Et c’est justement ça qui me plait, le côté humain. J’adore l’échange avec mes élèves, rire en classe avec eux tout en travaillant, trouver des stratégies pour leur donner envie d’apprendre, faire des jeux pour leur faire comprendre des notions difficiles.
« C’est déjà fini ! Mais on n’a rien fait ! » m’a dit un jour un élève qui maîtrisait parfaitement toute la conjugaison du passé simple au bout d’une heure de jeux. Voilà qui suffit à me rendre heureuse pour la semaine !
Et je ne parle même pas de toutes les petites attentions, les mots sur le tableau au moment des vacances, les petites phrases gentilles :
« Vous nous avez manqué Madame », « J’ai l’impression que ça fait une éternité qu’on ne vous a pas vues », « C’était bien vos vacances Madame », « Vous êtes trop bien habillée Madame aujourd’hui », « C’était trop bien Madame aujourd’hui » et j’en passe.
Pendant toute mon année de stage, je passais mon temps sur la route ou sur mes copies. Je croisais mon mari qui était stagiaire aussi. Le plus gros de ma vie sociale se passait avec mes élèves : et ce fut une année pleine de petits bonheurs !
On dit parfois que l’amour est un sentiment qui permet de se surpasser, d’aller de l’avant. Et bien si c’est ça, je peux le dire, j’aime mes élèves. J’aime la personne que je suis à leur contact. J’aime sentir que j’apporte une modeste contribution à la construction de leur vie d’adulte. J’aime penser que, grâce à moi peut-être, mes élèves auront pris goût à la littérature et aux sciences humaines. J’aime espérer que dans quelques années ils parleront de moi avec le sourire que j’ai quand je raconte les cours de français avec Madame Verucchi, ma prof de collège qui m’a donné envie de faire des lettres.
Et l’amour que je leur porte, ils me le rendent bien et je les en remercie. Merci pour les surprises, les cadeaux, les mots gentils. Merci aussi aux parents qui m’encouragent depuis le début et me remercient pour mes efforts. Il n’y a rien de plus précieux pour un professeur que la reconnaissance. La reconnaissance des élèves, des parents, des collègues, de la direction, des inspecteurs. C’est elle le moteur qui nous permet de nous accrocher et de surmonter les difficultés du métier.
Un des plus beaux cadeaux que j’ai reçus, c’est Lenny, un élève de 5e qui me l’a offert. J’ai passé toute l’année dernière à chercher à le faire sourire, à le raccrocher aux cours, à lui donner envie de venir. Et cette année à la rentrée, ce petit garçon triste et morne m’a offert un sourire magnifique et m’a dit « Madame, je suis trop content de vous avoir cette année ». Je n’ai besoin de rien de plus, je suis une optimiste je vous l’ai dit.
L’optimisme est mon credo et je dois dire que pour le moment il me rend plutôt service. Je ne suis pas un robot, j’ai mes moments de crises, de doutes. Surtout en mai, au moment des bilans, quand je me demande si j’ai vraiment apporté quelque chose à certains élèves cette année ; quand je me demande si j’ai bien préparé mes 3e à la suite quand je lis des atrocités dans leurs rédactions. Dans ces moments de doute, inévitables et épuisants je pense à ces anciens élèves qui m’ont pourri la vie il y a quelques années, auxquels je pensais ne rien avoir appris et qui m’écrivent parfois des mails. Je pense à Pierre particulièrement, qui m’a écrit deux ans après une 4e chaotique : « Madame je voulais m’excuser pour mon comportement. Je n’étais pas assez mûr pour comprendre que vous aviez raison et que j’avais de la chance de vous avoir ». Merci Pierre de m’avoir permis d’être optimiste même quand j’ai l’impression que je n’arrive à rien.
Des élèves me disent parfois qu’ils ont de la chance de m’avoir comme prof, mais c’est moi qui me sens chanceuse. Je me sens chanceuse de pouvoir exercice le métier que j’aime et de recevoir de l’affection et de la reconnaissance en retour.
On entend parfois qu’un prof n’est pas là pour être aimé de ses élèves. Je pense au contraire que dans toutes relations humaines, on n’arrive à rien sans affection, respect sincère et reconnaissance. Quand les élèves arrivent contents dans mes cours, je me dis que j’ai tout gagné ! Et s’ils sont heureux d’être là, alors moi aussi je suis heureuse !