- J’avais un cheval
- Dans un champ de ciel
- Et je m’enfonçais
- Dans le jour ardent.
- Rien ne m’arrêtait
- J’allais sans savoir,
- C’était un navire
- Plutôt qu’un cheval,
- C’était un désir
- Plutôt qu’un navire,
- C’était un cheval
- Comme on n’en voit pas,
- Tête de coursier,
- Robe de délire,
- Un vent qui hennit
- En se répandant.
- Je montais toujours
- Et faisais des signes :
- « Suivez mon chemin,
- Vous pouvez venir,
- Mes meilleurs amis,
- La route est sereine,
- Le ciel est ouvert.
- Mais qui parle ainsi ?
- Je me perds de vue
- Dans cette altitude,
- Me distinguez-vous,
- Je suis celui qui
- Parlait tout à l’heure,
- Suis-je encor celui
- Qui parle à présent,
- Vous-mêmes, amis,
- Êtes-vous les mêmes ?
- L’un efface l’autre
- Et change en montant. »
Jules SUPERVIELLE (1884-1960)