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Mais quoi ! c’est trop chanté...

jeudi 24 avril 2014, par Silvestre Baudrillart

  • Mais quoi ! c’est trop chanté, il faut tourner les yeux
  • Éblouis de rayons dans le chemin des cieux.
  • C’est fait, Dieu vient régner, de toute prophétie
  • Se voit la période à ce point accomplie.
  • La terre ouvre son sein, du ventre des tombeaux
  • Naissent des enterrés les visages nouveaux :
  • Du pré, du bois, du champ, presque de toutes places
  • Sortent les corps nouveaux et les nouvelles faces.
  • Ici les fondements des châteaux rehaussés
  • Par les ressuscitants promptement sont percés ;
  • Ici un arbre sent des bras de sa racine
  • Grouiller un chef vivant, sortir une poitrine ;
  • Là l’eau trouble bouillonne, et puis s’éparpillant
  • Sent en soi des cheveux et un chef s’éveillant.
  • Comme un nageur venant du profond de son plonge,
  • Tous sortent de la mort comme l’on sort d’un songe.
  • Les corps par les tyrans autrefois déchirés
  • Se sont en un moment en leurs corps asserrés,
  • Bien qu’un bras ait vogué par la mer écumeuse
  • De l’Afrique brûlée en Tylé froiduleuse.
  • Les cendres des brûlés volent de toutes parts ;
  • Les brins plus tôt unis qu’ils ne furent épars
  • Viennent à leur poteau, en cette heureuse place
  • Riants au ciel riant d’une agréable audace.

Théodore AGRIPPA D’AUBIGNÉ (1552-1630)