- Mais quoi ! c’est trop chanté, il faut tourner les yeux
- Éblouis de rayons dans le chemin des cieux.
- C’est fait, Dieu vient régner, de toute prophétie
- Se voit la période à ce point accomplie.
- La terre ouvre son sein, du ventre des tombeaux
- Naissent des enterrés les visages nouveaux :
- Du pré, du bois, du champ, presque de toutes places
- Sortent les corps nouveaux et les nouvelles faces.
- Ici les fondements des châteaux rehaussés
- Par les ressuscitants promptement sont percés ;
- Ici un arbre sent des bras de sa racine
- Grouiller un chef vivant, sortir une poitrine ;
- Là l’eau trouble bouillonne, et puis s’éparpillant
- Sent en soi des cheveux et un chef s’éveillant.
- Comme un nageur venant du profond de son plonge,
- Tous sortent de la mort comme l’on sort d’un songe.
- Les corps par les tyrans autrefois déchirés
- Se sont en un moment en leurs corps asserrés,
- Bien qu’un bras ait vogué par la mer écumeuse
- De l’Afrique brûlée en Tylé froiduleuse.
- Les cendres des brûlés volent de toutes parts ;
- Les brins plus tôt unis qu’ils ne furent épars
- Viennent à leur poteau, en cette heureuse place
- Riants au ciel riant d’une agréable audace.
Théodore AGRIPPA D’AUBIGNÉ (1552-1630)