- Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui
- Va-t-il nous déchirer avec un coup d’aile ivre
- Ce lac dur oublié que hante sous le givre
- Le transparent glacier des vols qui n’ont pas fui !
- Un cygne d’autrefois se souvient que c’est lui
- Magnifique mais qui sans espoir se délivre
- Pour n’avoir pas chanté la région où vivre
- Quand du stérile hiver a resplendi l’ennui.
- Tout son col secouera cette blanche agonie
- Par l’espace infligée à l’oiseau qui le nie,
- Mais non l’horreur du sol où le plumage est pris.
- Fantôme qu’à ce lieu son pur éclat assigne,
- Il s’immobilise au songe froid de mépris
- Que vêt parmi l’exil inutile le Cygne.
MALLARME Stéphane (1842-1898)