- La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres.
- Fuir ! là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres
- D’être parmi l’écume inconnue et les cieux !
- Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
- Ne retiendra ce coeur qui dans la mer se trempe
- Ô nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe
- Sur le vide papier que la blancheur défend
- Et ni la jeune femme allaitant son enfant.
- Je partirai ! Steamer balançant ta mâture,
- Lève l’ancre pour une exotique nature !
- Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,
- Croit encore à l’adieu suprême des mouchoirs !
- Et, peut-être, les mâts, invitant les orages,
- Sont-ils de ceux qu’un vent penche sur les naufrages
- Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots ...
- Mais, ô mon coeur, entends le chant des matelots !
MALLARME Stéphane (1842-1898)