Accueil > Littérature > Anthologie > J > JAMMES Francis (1878-1938) > La Salle à manger
- Il y a une armoire à peine luisante
- qui a entendu les voix de mes grand-tantes,
- qui a entendu la voix de mon grand-père,
- qui a entendu la voix de mon père.
- A ces souvenirs l’armoire est fidèle.
- On a tort de croire qu’elle ne sait que se taire,
- Car je cause avec elle.
- Il y a aussi un coucou en bois.
- Je ne sais pourquoi il n’a plus de voix.
- Je ne veux pas le lui demander.
- Peut-être bien qu’elle est cassée,
- la voix qui était dans son ressort,
- tout bonnement comme celle des morts.
- Il y a aussi un vieux buffet
- qui sent la cire, la confiture,
- la viande, le pain et les poires mûres.
- C’est un serviteur fidèle, qui sait
- qu’il ne doit rien nous voler.
- Il est venu chez moi bien des hommes et des femmes
- qui n’ont pas cru à ces petites âmes.
- Et je souris que l’on me pense seul vivant
- quand un visiteur me dit en entrant :
- — Comment allez-vous, monsieur Jammes ?
- Francis JAMMES (1878-1938)