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L’albatros

dimanche 13 novembre 2011, par Silvestre Baudrillart

  • Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
  • Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
  • Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
  • Le navire glissant sur les gouffres amers.
  • A peine les ont-ils déposés sur les planches,
  • Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
  • Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
  • Comme des avirons traîner à côté d’eux.
  • Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
  • Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
  • L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
  • L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !
  • Le Poète est semblable au prince des nuées
  • Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
  • Exilé sur le sol au milieu des huées,
  • Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.
  • Charles BAUDELAIRE (1821-1867)