Accueil > Littérature > Anthologie > B > BAUDELAIRE Charles (1821-1867) > Chant d’automne
- Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres ;
- Adieu, vive clarté de nos étés trop courts !
- J’entends déjà tomber avec des chocs funèbres
- Le bois retentissant sur le pavé des cours.
- Tout l’hiver va rentrer dans mon être : colère,
- Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,
- Et, comme le soleil dans son enfer polaire,
- Mon cœur ne sera plus qu’un bloc rouge et glacé.
- J’écoute en frémissant chaque bûche qui tombe ;
- L’échafaud qu’on bâtit n’a pas d’écho plus sourd.
- Mon esprit est pareil à la tour qui succombe
- Sous les coups du bélier infatigable et lourd.
- Il me semble, bercé par ce choc monotone,
- Qu’on cloue en grande hâte un cercueil quelque part.
- Pour qui ? — C’était hier l’été ; voici l’automne !
- Ce bruit mystérieux sonne comme un départ.
- Charles BAUDELAIRE (1821-1867)