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mardi 6 août 2013, par
« Vacances » rime-t-il avec « culture » ? A priori, non. Et pourtant...
Qu’allons-nous chercher dans les vacances ? Interrogeons nos contemporains. Plus que de repos, il est souvent question de « coupure ». Dormir ne fait pas des vacances. Bien sûr, il faut se reposer, vivre à son rythme. Mais vivre aussi au rythme de ses attentes les plus profondes. Ces grandes espérances, les philosophes, dans la tradition d’Aristote (Ethique à Nicomaque), les ont rassemblées sous un seul mot : « bonheur ».
Le bonheur ? Mot usé, mot creux, et pourtant si riche de potentialités variées. Le bonheur, c’est l’accomplissement de l’humanité, l’actualisation de son potentiel de joie, de douceur, de perfection, de vérité, de beauté, de spiritualité. L’homme trouve son bonheur dans tous les aspects de sa vie. Son travail, sa vie de famille, ses relations sociales, sa vie de prière s’il est croyant, doivent en constituer le fond. Mais il éprouve souvent, au milieu de cette vie ordinaire, comme une lacune ou un déséquilibre qui s’ajoute à la fatigue des jours.
Bien vivre les vacances, c’est y mettre le complément d’humanité qui manque au rythme trépidant de notre année de travail. « Humanité », avez-vous dit ? Les « humanités » : un mot encore, mais cette fois-ci trop oublié. Il s’agit de l’étude des auteurs gréco-latins ; ces hommes qui cultivaient un idéal d’équilibre, qui cherchaient à comprendre les passions et les défaillances de l’homme à la lumière de la raison, en fuyant les explications mythologiques et le sentimentalisme.
Ayons le courage, pour ces vacances, d’aller chercher dans notre bibliothèque, ou en librairie, un de ces « vieux auteurs » toujours jeunes. On les réédite sans cesse. L’Antigone de Sophocle : doit-on suivre la loi des hommes ou obéir à la volonté divine ? « Je suis née pour partager l’amour, non la haine »... L’Iliade, avec ses merveilleux caractères de héros à la psychologie très fine : Hector prenant son petit enfant dans ses bras et versant des larmes sur les remparts de Troie, le vieux Priam venant réclamer en suppliant le corps de son fils sous la tente d’Achille... Saint Augustin, et ses émouvants accents de sincérité dans les Confessions, ou la fresque historique de la Cité de Dieu. Tacite, et sa peinture au couteau d’une époque ambitieuse et violente, aux passions déchaînées.
Allons voir aussi du côté de ceux qui ont exploré, de notre temps, les tréfonds de l’âme humaine. Stefan Zweig a été édité récemment dans la collection « Bouquins » : La Pitié dangereuse évoque les risques d’un amour issu de la compassion, dans la lignée d’un Dostoïevsky (lire ou relire Crime et châtiment, pour une profonde leçon sur la conscience). Irène Némirowsky, juive russe de langue française, publiée récemment elle aussi, pour sa fresque intimiste de l’exode de 1940, Suite française. Et pourquoi ne pas relire, en parallèle, les beaux Silences de la mer de Vercors ?
Que lisent les enfants ? Profitons de ce temps de vacances pour entrer dans leur univers, et découvrir Le Seigneur des Anneaux ou Narnia, belles œuvres pleines d’humanité et d’imagination. Comment parler avec eux, les conseiller dans leurs lectures, sans partager un peu de leur monde et de leurs préoccupations ? Rassembler la famille, corps et âmes, est un des grands objectifs des vacances : sachons ne pas le manquer.
Des vacances culturelles ne se limitent pas aux livres. Il est venu, le temps des cathédrales, et des châteaux, et des paysages, et même des bons vieux films de ciné-club. Visitons, explorons, découvrons notre patrimoine... ou celui des autres. La culture est partage, échange, découverte. Et parlons de ce que nous avons lu. Et écrivons : un roman, un article, ou... des lettres. Les lettres de vacances sont un objectif en soi : de belles lettres d’amour ou d’amitié, qui laissent une trace dans les âmes de l’auteur et du destinataire. Et finalement, jouons : jouer une pièce pour la famille ou pour un cercle d’amis, voilà une façon unique de s’approprier un auteur de théâtre. Et seules les vacances le permettent.
Lire les classiques de tous les temps, pour mieux se comprendre et comprendre les autres et l’univers... Visiter, parler, écrire, jouer : autant d’activités que suggèrent et accompagnent les livres, et un beau programme pour des vacances intelligentes et enrichissantes.
Silvestre BAUDRILLART,
Professeur de Lettres au collège HAUTEFEUILLE (Courbevoie, 92)