Accueil > Littérature > Anthologie > P > PÉGUY Charles (1873-1914) > Châteaux de Loire
- Le long du coteau courbe et des nobles vallées
- Les châteaux sont semés comme des reposoirs,
- Et dans la majesté des matins et des soirs
- La Loire et ses vassaux s’en vont par ces allées.
- Cent vingt châteaux lui font une suite courtoise,
- Plus nombreux, plus nerveux, plus fins que des palais.
- Ils ont nom Valençay, Saint-Aignan et Langeais,
- Chenonceaux et Chambord, Azay, le Lude, Amboise.
- Et moi j’en connais un dans les châteaux de Loire
- Qui s’élève plus haut que le château de Blois,
- Plus haut que la terrasse où les derniers Valois
- Regardaient le soleil se coucher dans sa gloire.
- La moulure est plus fine et l’arceau plus léger.
- La dentelle de pierre est plus dure et plus grave.
- La décence et l’honneur et la mort qui s’y grave
- Ont inscrit leur histoire au cœur de ce verger.
- Et c’est le souvenir qu’a laissé sur ces bords
- Une enfant qui menait son cheval vers le fleuve.
- Son âme était récente et sa cotte était neuve.
- Innocente elle allait vers le plus grand des sorts.
- Car celle qui venait du pays tourangeau,
- C’était la même enfant qui quelques jours plus tard,
- Gouvernant d’un seul mot le rustre et le soudard,
- Descendait devers Meung ou montait vers Jargeau.