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Plein ciel

jeudi 24 avril 2014, par Silvestre Baudrillart

  • J’avais un cheval
  • Dans un champ de ciel
  • Et je m’enfonçais
  • Dans le jour ardent.
  • Rien ne m’arrêtait
  • J’allais sans savoir,
  • C’était un navire
  • Plutôt qu’un cheval,
  • C’était un désir
  • Plutôt qu’un navire,
  • C’était un cheval
  • Comme on n’en voit pas,
  • Tête de coursier,
  • Robe de délire,
  • Un vent qui hennit
  • En se répandant.
  • Je montais toujours
  • Et faisais des signes :
  • « Suivez mon chemin,
  • Vous pouvez venir,
  • Mes meilleurs amis,
  • La route est sereine,
  • Le ciel est ouvert.
  • Mais qui parle ainsi ?
  • Je me perds de vue
  • Dans cette altitude,
  • Me distinguez-vous,
  • Je suis celui qui
  • Parlait tout à l’heure,
  • Suis-je encor celui
  • Qui parle à présent,
  • Vous-mêmes, amis,
  • Êtes-vous les mêmes ?
  • L’un efface l’autre
  • Et change en montant. »

Jules SUPERVIELLE (1884-1960)