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La jeune Tarentine

mardi 22 juillet 2014, par Silvestre Baudrillart

  • Pleurez, doux alcyons ! ô vous, oiseaux sacrés,
  • Oiseaux chers à Thétis, doux alcyons, pleurez !
  • Elle a vécu, Myrto, la jeune Tarentine !
  • Un vaisseau la portait aux bords de Camarine :
  • Là, l’hymen, les chansons, les flûtes, lentement,
  • Devaient la reconduire au seuil de son amant.
  • Une clef vigilante a, pour cette journée,
  • Sous le cèdre enfermé sa robe d’hyménée
  • Et l’or dont au festin ses bras seront parés
  • Et pour ses blonds cheveux les parfums préparés.
  • Mais, seule sur la proue, invoquant les étoiles,
  • Le vent impétueux qui soufflait dans les voiles
  • L’enveloppe : étonnée, et loin des matelots,
  • Elle crie, elle tombe, elle est au sein des flots.
  • Elle est au sein des flots, la jeune Tarentine !
  • Son beau corps a roulé sous la vague marine.
  • Thétis, les yeux en pleurs, dans le creux d’un rocher
  • Aux monstres dévorants eut soin de le cacher.
  • Par ses ordres bientôt les belles Néréides
  • S’élèvent au-dessus des demeures humides,
  • Le poussent au rivage, et dans ce monument
  • L’ont, au cap du Zéphyr, déposé mollement ;
  • Et de loin, à grands cris appelant leurs compagnes,
  • Et les Nymphes des bois, des sources, des montagnes,
  • Toutes, frappant leur sein et traînant un long deuil,
  • Répétèrent, hélas ! autour de son cercueil :
  • " Hélas ! chez ton amant tu n’es point ramenée,
  • Tu n’as point revêtu ta robe d’hyménée,
  • L’or autour de tes bras n’a point serré de noeuds,
  • Et le bandeau d’hymen n’orna point tes cheveux. "

CHÉNIER André (1762-1794)