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dimanche 12 mars 2023, par
Chanson de la faute d’orthographe
Je suis la faute d’orthographe,
on me poursuit mais je reviens,
j’ai deux f pour la girafe
et je mets de l’a dans le vin ;
Je confonds la pâte et la patte,
je mêle les sauts et les sots,
j’oublie un t quand je me gratte
et je mets trois s à cerceau.
Les mots en al me turlupinent
et puis, je vais à ma façon,
j’ai des quantités de copines
qui ne savent pas les leçons.
Très grosses et parfois énormes,
petites comme des toutous,
elles prennent toutes les formes,
elles se glissent n’importe où.
Dans la carte pour tante Adèle,
sur chaque page des cahiers ;
c’est comme dans le vermicelle
où l’alphabet s’est embrouillé.
Je suis un lutin fantaisiste,
un clown léger, un prestidi-
gitateur qui vient sur la piste
faire un ouistiti d’un whisky.
Les consonnes et les voyelles
grâce à moi s’en vont voltiger
au pays des g et des geais
au pays des l, des ailes,
au pays du je ne sais quoi
où nous attendent des surprises
une reine portant des bois
un renne aux couronnes exquises
un pays où les e muets
poussent soudain la chansonnette,
un pays au fond des nuées
où les e font des omelettes,
un pays sans conditionnel,
sans subjonctif, où toute chose
met son pluriel avec des roses,
son singulier avec du ciel.
Pierre Gamarra (1919-2009)