Accueil > Société > Droit à la vie > Un chromosome d’amour en plus, par Rachel
vendredi 26 avril 2019
J’ai passé une grossesse sans problème particulier. Même si j’étais évidemment plus fatiguée en raison de la présence de mon fils aîné Antonin qui avait seulement 26 mois à la naissance de son petit-frère. Il y a juste eu une petite alerte lors de l’échographie du 3ème trimestre car l’examen a révélé que les cavités du cœur du bébé étaient légèrement déséquilibrées. Nous avons donc consulté un cardio-pédiatre qui a confirmé qu’il n’y avait rien d’anormal mais qu’un contrôle serait effectué à la naissance.
Nathanaël est né par césarienne le 22 juin 2016 à 15h45, son papa est resté à mes côtés pendant toute l’intervention. Dès lors qu’on a approché Nathanaël de moi pour un câlin et un bisou j’ai su qu’il y avait quelque chose. Il était plus potelé que son grand frère et avait les oreilles repliées. Je crois qu’Alexandre et moi nous sommes immédiatement posés des questions, même si nous ne les avons pas formulées clairement. Nous étions déjà sous le charme de la bouille de notre fils !
"Je trouvais que notre bébé avait les caractéristiques physiques des personnes porteuses de trisomie"
Nous avons été séparés quelques longues minutes le temps de lui faire les soins et que je récupère en salle de réveil. Puis Alexandre est revenu avec Nathanaël dans les bras et j’ai pu lui donner la première tétée. Pendant ce temps je n’ai pas pu m’empêcher de questionner mon compagnon et de lui faire part de mon inquiétude, je trouvais que notre bébé avait les caractéristiques physiques des personnes porteuses de Trisomie. Alexandre m’a confirmé qu’il avait les mêmes doutes mais que le personnel de la maternité n’avait rien évoqué. Ils ont d’ailleurs été formidables et nous ont laissé profiter pleinement de la naissance et de nos premiers moments avec Nathanaël.
Le lendemain, après une nuit d’interrogations et de recherches sur internet chacun de notre côté, et après avoir longuement admiré Nathanaël, nous attendions avec impatience la visite de la pédiatre. Les sages-femmes et infirmières qui étaient de service cette nuit-là ont également cherché à savoir si j’avais des doutes et ce, en toute discrétion. On m’a par exemple demandé si je trouvais que Nathanaël ressemblait à son grand frère, question à laquelle j’ai répondu par la négative.
La pédiatre est finalement venue en fin de matinée et a commencé à ausculter Nathanaël comme n’importe quel bébé. Mais l’ambiance était pesante. Elle nous a alors demandé si nous avions des questions ou inquiétudes particulières et nous lui avons fait part de nos doutes. Elle a été très pédagogue et nous a confirmé qu’elle-même et l’ensemble du personnel avait également un doute et qu’il fallait faire une prise de sang pour confirmer ou infirmer ces soupçons. Nathanaël a des yeux en amande caractéristiques des personnes porteuses de Trisomie, mais il faut savoir que son père et moi avons aussi les yeux en amande… Ce moment a été très compliqué à vivre mais tant que les résultats de la prise de sang n’étaient pas revenus il restait un espoir.
"Au plus profond de nous je crois que nous savions qu’il avait une trisomie 21 mais la confirmation a été très difficile"
Les résultats sont tombés le samedi en fin de matinée. La pédiatre est revenue spécialement pour nous faire l’annonce en personne. Au plus profond de nous je crois que nous savions qu’il avait une trisomie 21 mais la confirmation a été très difficile. J’ai fondu en larmes et le papa était lui aussi très affecté. C’était un véritable tsunami d’émotions. Nous étions à la fois heureux d’être parents à nouveau et en même temps inquiets et tristes.
Comme nous avions des doutes depuis le début, nous avions juste annoncé la naissance à nos proches sans rien dire, sans envoyer de photos et en leur demandant expressément de ne pas venir à la maternité prétextant une grande fatigue. Le plus dur a donc été de leur annoncer. C’est mon conjoint qui s’en est occupé, je n’ai pas eu la force. Il a appelé tout le monde et a dû ressasser les événements.
Après l’annonce de la pédiatre, nous avons appris que nous pouvions rencontrer une psychologue. Pendant la conversation, entre les hormones, la fatigue et le tourbillon d’émotions, je n’ai pas compris qu’elle était en train de nous informer que nous pouvions placer notre fils en vue d’une adoption. Je n’ai compris que quand mon conjoint a répondu qu’il n’était pas question que notre fils ne rentre pas avec nous à la maison. C’est une option que nous n’avons jamais envisagée.
"Nous n’en voulons pas aux médecins, il n’y a eu aucun signe décelable pendant la grossesse"
Toute l’’équipe de la maternité et la pédiatre généticienne ont été vraiment formidables avec nous. Ils ont pris soin de nous, nous avons eu beaucoup de chance. Ils ont pris le temps de répondre à nos nombreuses questions, très nombreuses même de la part de mon conjoint !
Nous devions effectuer le contrôle de son cœur, prévu dès la grossesse et avant de savoir qu’il était porteur de trisomie 21, et on nous a expliqué qu’a priori Nathanael n’avait pas de gros problèmes cardiaques. La pédiatre a insisté sur le fait qu’il fallait profiter de ce nouveau-né comme n’importe quel bébé et qu’ensuite il convenait de mettre en place une prise en charge précoce pour qu’il ait toutes les chances de bien évoluer.
Nous n’en voulons pas aux médecins. Il n’y a eu aucun signe pendant la grossesse, le tri-test, qui consiste en une prise de sang couplée à l’échographie morphologique avec mesure de la clarté nucale, nous annonçait 1 risque sur 7961. Il ne s’agit que de données statistiques et l’amniocentèse n’est proposée qu’à partir d’1 risque sur 250 ! Nous en étions bien loin. En outre, lors des échographies tout semblait normal mis à part le petit problème cardiaque mais qui peut arriver chez n’importe quel enfant. Aujourd’hui, je ne peux pas dire quelle décision nous aurions prise si nous avions été informés de la Trisomie 21 de Nathanaël pendant la grossesse. C’est une décision extrêmement difficile à prendre et un choix cornélien. Et puis aujourd’hui nous relativisons, il y a des pathologies bien plus graves qui ne peuvent être décelées avant la naissance.
Concernant les réactions de notre entourage, elles ont été variées. Antonin et Léane, la fille d’un premier mariage de mon compagnon, n’ont pas fait de différence. Mais nous avons tenu à leur expliquer simplement que leur petit frère était différent, qu’il évoluerait à son rythme. Aujourd’hui, ils sont très complices. Pour ma maman je sais que ce fût un choc, mais tout comme nous elle est vite tombée sous le charme de Nathanaël. Dans le reste de la famille, tout le monde a été plutôt compréhensif même si je sens une certaine forme de réserve chez certains. Du côté des amis, certains ont été très présents et à l’écoute alors que d’autres se sont éloignés.
"Nathanaël est un vrai rayon de soleil"
Aujourd’hui Nathanaël va très bien, c’est un petit garçon d’un an qui évolue à son rythme. Il est espiègle, coquin, boudeur et très curieux. Tout le monde autour de lui tombe sous son charme ! Après sa naissance, nous avons été rapidement orientés vers Trisomie 21 Seine-Maritime où nous avons été très bien accueillis. Nathanaël a eu la chance d’obtenir rapidement une place au SESSAD de Rouen où il a des séances de psychomotricité et d’orthophonie qui l’aident à appréhender son corps mais aussi à muscler sa bouche et toute la sphère buccale (langue, joues, etc.) pour favoriser son élocution.
Il a aussi une séance de kiné en libéral pour se tonifier, travailler sa motricité, éveiller ses sens et lui montrer les étapes pour se retourner, rouler, s’asseoir, se mettre à quatre pattes et marcher. Le samedi, il a également une séance avec le kiné d’éveil en piscine, Nathanaël adore l’eau et cela lui permet d’appréhender son schéma corporel autrement, ce sont des moments très agréables. En dehors de tout cela, il a des contrôles réguliers afin de vérifier s’il développe une des pathologies souvent associées à la Trisomie 21. Tout va bien de ce côté-là, il n’a pas de cardiopathie ou d’anomalie digestive. On surveille régulièrement sa thyroïde, son foie, son audition et sa vue. Pour l’instant, tout va bien aussi.
Il est également suivi par la pédiatre généticienne ainsi qu’une pneumo-pédiatre suite à plusieurs bronchiolites cet hiver. C’est un enfant très entouré et très suivi qui évolue à son rythme. Il commence tout doucement à se tenir assis et nous sommes fiers de tous ses progrès : il sait taper des mains pour faire « bravo », il sait dire maman et papa et sait très bien se faire comprendre. Il adore jouer et rire avec son frère. C’est du bonheur à l’état pur et un vrai rayon de soleil.
"J’ai dit à mon conjoint que Nathanaël avait un truc en plus, un chromosome d’amour parce que nous nous aimions beaucoup"
Evidemment nous avons des inquiétudes pour l’avenir. J’ai peur qu’il ne soit pas intégré dans la société, qu’il soit moqué et que ça l’affecte. Je ne supporte pas l’idée qu’on puisse l’attaquer sur sa différence et lui faire du mal.
L’idée de créer l’association est arrivée très vite. Nous l’avons appelée "Un chromosome d’amour en plus". Ce nom est né d’une phrase que j’ai prononcée à mon conjoint à la maternité, je lui ai dit pour dédramatiser que Nathanaël avait un truc en plus, un chromosome d’amour parce que nous nous aimions beaucoup…
Nous avons créé cette association pour tenter de faire changer les mentalités et les regards, permettre à la Trisomie 21 d’être exposée afin qu’elle entre dans le paysage médiatique et que finalement ce ne soit plus qu’une différence comme une autre, puis nous avons voulu l’étendre à tous les handicaps car les adultes ou enfants en situation de handicap sont mal perçus, il y a comme un tabou… on les cache.
Ensuite nous voulons aider les parents qui n’ont pas eu la chance d’avoir des professionnels à l’écoute, partager notre expérience et répondre à leurs questions en toute neutralité. Mais aussi les aider à trouver des solutions, offrir des temps de répit, les orienter dans leurs démarches.
J’invite les gens qui se posent des questions à nous contacter via notre page ou notre site. J’ai aussi envie de leur dire que oui, cela peut faire peur, mais que contrairement à tout un tas d’idées reçues, les personnes porteuses de Trisomie 21 vivent normalement, elles font du sport, elles dansent, rient, sont amoureuses, ont de la peine, travaillent, prennent les transports en commun. Elles méritent toute notre considération car, comme tout le monde, elles ont des sentiments, elles ont des capacités, des tas de choses à apporter. Et puis je crois que j’aurais envie de faire rencontrer Nathanaël et ses copains et copines à des personnes qui ne connaissent pas la Trisomie 21. Ce sont des rencontres qui enrichissent tellement.
Nathanaël a apporté un sens différent à nos vies, une nouvelle organisation mais aussi tellement de bonheur et de fierté. Je veux qu’il soit défini pour ce qu’il est : un petit garçon espiègle et joyeux.
Merci à Rachel et Alexandre, les parents de Nathanaël.
Vous pouvez suivre les aventures de Nathanaël sur la page facebook "Un chromosome d’amour en plus" et soutenir l’association sur le site internet.