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mardi 25 octobre 2011, par
Pourquoi les parents qui le désirent ne peuvent-ils pas mettre leurs enfants dans un établissement non-mixte ? Tout simplement, parce qu’ils ne sont pas assez nombreux en France ! La liberté d’enseignement est reconnue par la loi, mais en pratique, beaucoup d’établissements se ressemblent et peu d’entre eux offrent aux parents cette possibilité. Pourtant, à l’étranger, les écoles non-mixtes tiennent le haut du pavé, et des sociologues mettent en avant les effets pervers de la cohabitation filles-garçons, mise en place à l’époque pour des raisons purement économiques.
En Angleterre, sur les 25 meilleurs établissements scolaires, 21 sont non-mixtes ; c’est tout au moins ce que révèle un classement réalisé en 2009 par le Sunday Times. Et c’est d’autant plus méritoire que, dans ce pays, seuls 2% des écoles publiques et 14% des écoles privées sont non-mixtes. Aux Etats-Unis, depuis quelques années, une véritable vague de fond a poussé les dirigeants fédéraux à transformer 542 établissements publics mixtes en non-mixtes : en effet, dans les quartiers difficiles, la faillite des garçons et les brimades infligées aux filles rendent préférable le choix de structures non-mixtes, avec uniforme : de véritables lycées et collèges d’excellence où l’on pense avant tout au travail scolaire, loin des troubles engendrés par la cohabitation filles-garçons.
Alors, qu’en est-il de ces études sociologiques ? On le savait, et Michel Fize (Les pièges de la mixité scolaire, 2003, Presses de la Renaissance) ne s’était pas fait faute de le dire : la mixité scolaire a été mise en place pour des raisons pratiques, et l’habillage idéologique n’est venu que plus tard. Les études manquaient toujours. Or, elles commencent à arriver : un peu comme un médicament jamais testé, dont on n’étudierait les conséquences que 40 ans après sa commercialisation…
Marie Duru-Bellat, professeur à Sciences-Po, pointe du doigt, dans un rapport à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) de 2010, les inégalités de traitement par les professeurs selon le sexe. Selon des études, en effet, les garçons seraient plus souvent interrogés que les filles, en raison peut-être de leur caractère plus remuant (à 56% contre 44%) ; en revanche, ils seraient également notés plus durement. Il serait donc, scolairement, bon pour l’égalité des sexes, que les professeurs aient à enseigner à des groupes de filles et de garçons séparés… Ce serait, poursuit-elle, bon également pour la liberté du choix des carrières par les élèves ; en effet, constamment sous le regard de l’autre sexe, les filles hésitent à choisir pour elles-mêmes des carrières déclarées « masculines », comme les sciences, tandis que les garçons, à part les cas de vocation déclarée, ne choisissent pas les carrières pointées comme « féminines » : moins de 4% des garçons choisissent, par exemple, les sections littéraires.
De son côté, Jean-Louis Auduc, directeur-adjoint de l’IUFM de l’Académie de Créteil, dans son essai Sauvons les garçons (Descartes et Cie, 2009) met l’accent sur les effets néfastes de la mixité pour les garçons. Ceux-ci, en effet, connaissent un fort décalage de maturité par rapport aux filles, dans des domaines essentiels à la réussite scolaire : la pensée langagière, par exemple, indispensable pour comprendre les énoncés des épreuves. Une fille de 12 ans a en moyenne la maturité langagière d’un garçon de 16 ans. De ce fait, il n’est pas surprenant que les deux tiers des jeunes sortant sans qualifications du système scolaire soient des garçons. Ils sont en queue de classe, et la mixité les renforce dans le vieux préjugé qu’un garçon ne saurait être un intello : cercle ô combien vicieux !
Bien entendu, l’excessive féminisation du corps enseignant n’est pas innocente de ce gâchis : comment, pour un garçon, surtout à l’âge du collège, où le jeune cherche à renforcer sa propre identité sexuelle, s’identifier à des professeurs dont l’écrasante majorité est constituée de femmes ? Comment n’en a-t-on pas, d’ailleurs vu plus tôt l’effet néfaste sur l’éducation ? A l’âge de l’adolescence où le modèle des parents est plus difficile à accepter, l’absence quasi-totale de figures adultes non-parentales du même sexe conduit le jeune garçon à refuser de grandir, à s’enfermer dans le modèle de « Tanguy », qui est, d’ailleurs, un garçon.
Ces constatations françaises, timides mais fermes, rejoignent d’innombrables études publiées dans le monde anglo-saxon. Citons d’abord Leonard Sax, dans son essai Why gender matters (« Pourquoi le genre est important », 2005). Médecin et psychologue, il a conduit, avec son association, la NASSPE (National Association of Single-Sex Public Education, « Association nationale pour l’Éducation publique non-mixte »), les 542 « démixisations » d’écoles publiques aux Etats-unis, essentiellement dans des quartiers pauvres. Partant de constatations d’ordre biologique, il met en valeur le fait que les différences liées au sexe affectent de nombreux aspects de la perception : des différences de vue, d’ouïe, de toucher, de modalités d’apprentissage, d’activité, de motricité et de structuration du cerveau. En clair : les garçons et les filles sont différents, et on doit leur appliquer des pédagogies différentes.
Les conséquences en sont tirées par Abigail Norfleet James dans Teaching the male brain (« Pédaogie du cerveau masculin », Corwin Press, 2007) : une pédagogie « pour garçons » doit mettre l’accent sur des signaux visuels clairs et simples ; la voix du professeur doit être sonore et son attitude, calme ; les garçons ont besoin de concret, de rencontres avec le réel, de sorties de découverte…
C’est également ce que fait remarquer Jean-Guy Lemery, un pédagogue canadien, dans son ouvrage Les Garçons à l’école (Chenelière Education, 2004). Fécondant, de par sa situation géographique, les cultures francophone et anglo-saxonne, il préconise de « tenir compte du besoin des garçons de se situer dans l’action » et de « favoriser l’usage de la gestion mentale » conçue en France par Antoine de La Garanderie. Bien entendu, il conseille de revaloriser le modèle masculin, pour donner aux garçons une chance de grandir, et de revaloriser, à travers l’école, les « rites de passage » marquant des différences nettes entre les âges de la vie.
Bref, les experts, malgré leur propension naturelle à affirmer tout et son contraire, semblent s’accorder pour revaloriser le modèle non-mixte. La mixité ne sert pas ses propres objectifs, notamment l’égalité hommes-femmes ; au contraire, elle contribue insidieusement à conserver des différences dont certaines n’ont pas lieu d’être. La prédominance des garçons en mathématiques, ou celle des filles en lettres, par exemple, semblent n’avoir aucun fondement réel. D’autre part, on oublie que garçons et filles sont des adolescents en formation, et que leur cohabitation n’est pas sans dommages pour l’esprit d’apprentissage qui devrait prévaloir au collège ou au lycée. Le souci de plaire, la préoccupation pour le regard d’autrui, les rivalités et les tensions prennent souvent trop de place dans la vie des jeunes, pendant les heures de cours et au sein des classes. Il faut pouvoir étudier dans le calme.
En pratique, que propose-t-on aux parents en France ? Tout d’abord, des lycées et collèges non-mixtes, en particulier en région parisienne. Signalons à ce propos l’ouverture prochaine, pour septembre 2011, du lycée Hautefeuille dans les Hauts-de-Seine, dans la continuité du collège sous contrat pour garçons Hautefeuille ; le collège de filles Les Vignes, à Courbevoie également, qui existe depuis 3 ans ; Saint-Joseph et Saint-Pie-X à Saint-Cloud ; ou le lycée public pour filles de la Légion d’Honneur, preuve que les établissements d’État ne s’interdisent pas la non-mixité, quand elle sert le prestige. Et certains grands établissements privés maintiennent, eux aussi, la non-mixité : Sanislas et Saint-Jean-de-Passy, par exemple, pour certaines de leurs classes. Il ne s’agit pas de proposer la non-mixité comme un modèle unique, mais de la rendre accessible aux familles qui désirent user de leur liberté de choix.
Silvestre Baudrillart