Accueil > Littérature > Anthologie > L > LAMARTINE Alphonse de (1790-1869) > Hymne de l’enfant à son réveil
	
	
		
		

-  Ô père qu’adore mon père !
-  Toi qu’on ne nomme qu’à genoux !
-  Toi, dont le nom terrible et doux
-  Fait courber le front de ma mère !
-  On dit que ce brillant soleil
-  N’est qu’un jouet de ta puissance ;
-  Que sous tes pieds il se balance
-  Comme une lampe de vermeil.
-  On dit que c’est toi qui fais naître
-  Les petits oiseaux dans les champs,
-  Et qui donne aux petits enfants
-  Une âme aussi pour te connaître !
-  On dit que c’est toi qui produis
-  Les fleurs dont le jardin se pare,
-  El que, sans toi, toujours avare,
-  Le verger n’aurait point de fruits.
-  Aux dons que ta bonté mesure
-  Tout l’univers est convié ;
-  Nul insecte n’est oublié
-  À ce festin de la nature.
-  L’agneau broute le serpolet,
-  La chèvre s’attache au cytise,
-  La mouche au bord du vase puise
-  Les blanches gouttes de mon lait !
-  L’alouette a la graine amère
-  Que laisse envoler le glaneur,
-  Le passereau suit le vanneur,
-  Et l’enfant s’attache à sa mère.
-  Et, pour obtenir chaque don,
-  Que chaque jour tu fais éclore,
-  À midi, le soir, à l’aurore,
-  Que faut-il ? prononcer ton nom !
-  Ô Dieu ! ma bouche balbutie
-  Ce nom des anges redouté.
-  Un enfant même est écouté
-  Dans le choeur qui te glorifié !
-  On dit qu’il aime à recevoir
-  Les voeux présentés par l’enfance,
-  À cause de cette innocence
-  Que nous avons sans le savoir.
-  On dit que leurs humbles louanges
-  A son oreille montent mieux,
-  Que les anges peuplent les cieux,
-  Et que nous ressemblons aux anges !
-  Ah ! puisqu’il entend de si loin
-  Les voeux que notre bouche adresse,
-  Je veux lui demander sans cesse
-  Ce dont les autres ont besoin.
-  Mon Dieu, donne l’onde aux fontaines,
-  Donne la plume aux passereaux,
-  Et la laine aux petits agneaux,
-  Et l’ombre et la rosée aux plaines.
-  Donne au malade la santé,
-  Au mendiant le pain qu’il pleure,
-  À l’orphelin une demeure,
-  Au prisonnier la liberté.
-  Donne une famille nombreuse
-  Au père qui craint le Seigneur,
-  Donne à moi sagesse et bonheur,
-  Pour que ma mère soit heureuse !
-  Que je sois bon, quoique petit.,
-  Comme cet enfant dans le temple,
-  Que chaque matin je contemple,
-  Souriant au pied de mon lit.
-  Mets dans mon âme la justice,
-  Sur mes lèvres la vérité,
-  Qu’avec crainte et docilité
-  Ta parole en mon coeur mûrisse !
-  Et que ma voix s’élève à toi
-  Comme cette douce fumée
-  Que balance l’urne embaumée
-  Dans la main d’enfants comme moi !
-  Alphonse de LAMARTINE (1790-1869)
-  Harmonies poétiques et religieuses