- Il a vécu tantôt gai comme un sansonnet,
- Tour à tour amoureux insoucieux et tendre,
- Tantôt sombre et rêveur comme un triste Clitandre.
- Un jour il entendit qu’à sa porte on sonnait.
- C’était la Mort ! Alors il la pria d’attendre
- Qu’il eût posé le point à son dernier sonnet ;
- Et puis sans s’émouvoir, il s’en alla s’étendre
- Au fond du coffre froid où son corps frissonnait.
- Il était paresseux, à ce que dit l’histoire,
- Il laissait trop sécher l’encre dans l’écritoire.
- Il voulait tout savoir mais il n’a rien connu.
- Et quand vint le moment où, las de cette vie,
- Un soir d’hiver, enfin l’âme lui fut ravie,
- Il s’en alla disant : « Pourquoi suis-je venu ? »
Gérard de NERVAL (1808-1855)