- Oui dès l’instant que je vous vis
- Beauté féroce, vous me plûtes !
- De l’amour qu’en vos yeux je pris,
- Sur-le-champ vous vous aperçûtes.
- Mais de quel air froid vous reçûtes
- Tous les soins que pour vous je pris !
- Combien de soupirs je rendis !
- De quelle cruauté vous fûtes !
- Et quel profond dédain vous eûtes
- Pour les vœux que je vous offris !
- En vain, je priai, je gémis,
- Dans votre dureté vous sûtes
- Mépriser tout ce que je fis ;
- Même un jour je vous écrivis
- Un billet tendre que vous lûtes
- Et je ne sais comment vous pûtes,
- De sang-froid voir ce que je mis.
- Ah ! Fallait-il que je vous visse !
- Fallait-il que vous me plussiez,
- Qu’ingénument je vous le disse,
- Qu’avec orgueil vous vous tussiez !
- Fallait-il que je vous aimasse,
- Que vous me désespérassiez,
- Et qu’enfin je m’opiniâtrasse
- Et que je vous idolâtrasse
- Pour que vous m’assassinassiez !
Alphonse ALLAIS (1854-1905)