Accueil > Littérature > Anthologie > V > VILLON François (1431-1463) > Ballade pour prier Notre Dame
- Dame du ciel, régente terrienne,
- Emperière des infernaux palus,
- Recevez-moi, votre humble chrétienne,
- Que comprise soie entre vos élus,
- Ce nonobstant qu’oncques rien ne valus.
- Les biens de vous, ma Dame et ma Maîtresse
- Sont bien plus grands que ne suis pécheresse,
- Sans lesquels biens âme ne peut mérir
- N’avoir les cieux. Je n’en suis jangleresse :
- En cette foi je veuil vivre et mourir.
- A votre Fils dites que je suis sienne ;
- De lui soient mes péchés abolus ;
- Pardonne moi comme à l’Egyptienne,
- Ou comme il fit au clerc Theophilus,
- Lequel par vous fut quitte et absolus,
- Combien qu’il eût au diable fait promesse
- Préservez-moi de faire jamais ce,
- Vierge portant, sans rompure encourir,
- Le sacrement qu’on célèbre à la messe :
- En cette foi je veuil vivre et mourir.
- Femme je suis pauvrette et ancienne,
- Qui riens ne sais ; oncques lettres ne lus.
- Au moutier vois, dont suis paroissienne,
- Paradis peint, où sont harpes et luths,
- Et un enfer où damnés sont boullus :
- L’un me fait peur, l’autre joie et liesse.
- La joie avoir me fais, haute Déesse,
- A qui pécheurs doivent tous recourir,
- Comblés de foi, sans feinte ne paresse :
- En cette foi je veuil vivre et mourir.
- Vous portâtes, digne Vierge, princesse,
- Jésus régnant qui n’a ni fin ni cesse.
- Le Tout-Puissant, prenant notre faiblesse,
- Laissa les cieux et nous vint secourir,
- Offrit à mort sa très chère jeunesse ;
- Notre Seigneur tel est, tel le confesse :
- En cette foi je veuil vivre et mourir.