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Stances à Marquise

samedi 22 décembre 2012, par Silvestre Baudrillart

  • Marquise, si mon visage
  • A quelques traits un peu vieux,
  • Souvenez-vous qu’à mon âge
  • Vous ne vaudrez guère mieux.
  • Le temps aux plus belles choses
  • Se plaît à faire un affront :
  • Il saura faner vos roses
  • Comme il a ridé mon front.
  • Le même cours des planètes
  • Règle nos jours et nos nuits :
  • On m’a vu ce que vous êtes ;
  • Vous serez ce que je suis.
  • Cependant j’ai quelques charmes
  • Qui sont assez éclatants
  • Pour n’avoir pas trop d’alarmes
  • De ces ravages du temps.
  • Vous en avez qu’on adore ;
  • Mais ceux que vous méprisez
  • Pourraient bien durer encore
  • Quand ceux-là seront usés.
  • Ils pourront sauver la gloire
  • Des yeux qui me semblent doux,
  • Et dans mille ans faire croire
  • Ce qu’il me plaira de vous.
  • Chez cette race nouvelle,
  • Où j’aurai quelque crédit,
  • Vous ne passerez pour belle
  • Qu’autant que je l’aurai dit.
  • Pensez-y, belle Marquise ;
  • Quoiqu’un grison fasse effroi,
  • Il vaut bien qu’on le courtise
  • Quand il est fait comme moi.
  • Pierre Corneille (1606-1684)

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