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L’idole

dimanche 13 novembre 2011, par Silvestre Baudrillart

  • Ô Corse à cheveux plats ! que ta France était belle
  • Au grand soleil de messidor !
  • C’était une cavale indomptable et rebelle,
  • Sans frein d’acier ni rênes d’or ;
  • Une jument sauvage à la croupe rustique,
  • Fumante encor du sang des rois,
  • Mais fière, et d’un pied fort heurtant le sol antique,
  • Libre pour la première fois. (…)
  • Quinze ans son dur sabot, dans sa course rapide,
  • Broya les générations ;
  • Quinze ans elle passa, fumante, à toute bride,
  • Sur le ventre des nations ;
  • Enfin, lasse d’aller sans finir sa carrière,
  • D’aller sans user son chemin,
  • De pétrir l’univers, et comme une poussière
  • De soulever le genre humain ;
  • Les jarrets épuisés, haletante, sans force
  • Et fléchissant à chaque pas,
  • Elle demanda grâce à son cavalier corse ;
  • Mais, bourreau, tu n’écoutas pas ! (…)
  • Elle se releva : mais un jour de bataille,
  • Ne pouvant plus mordre ses freins,
  • Mourante, elle tomba sur un lit de mitraille
  • Et du coup te cassa les reins.
  • Auguste BARBIER (1805-1882)
  • Iambes et Poèmes